Il était une fois un perroquet jacquard qui avait peur de perdre son bec. Il se voulait élégant, particulier, surtout singulier.
Il avait troqué son plumage riche en couleurs et pauvre en motifs pour un habit autrement plus distingué, où tout était calculé, réfléchi, pesé, les lignes verticales pour atténuer les rondeurs de son estomac, les arcs de cercle pour accentuer le décolleté de son jabot, sans oublier les successions de formes qui adoucissent les changements de coloris.
C’était déjà remarquable, il s’était longuement observé, jouant de son meilleur profil.
Il étonnerait, interpellerait, capterait l’attention, mais ne resterait pas dans les mémoires.
Il lui fallait quelque chose d’autres, quelque chose qui le transformerait en magicien.
Il s’observa encore, et comprit.
Ce long bec n’était pas assez mis en valeur, il ne devait pas être le simple prolongement de son corps, mais un élément à lui tout seul.
Il décida de le détacher et de le porter à distance, pas trop loin, pour ne pas perdre l’harmonie d’ensemble.
Ce long bec est désormais son complice, son ami, son confident. Il le sait fidèle, et fragile.
Il a trouvé son objectif, le protéger.